L’hydrogène et l'avion
L’hydrogène est le mot magique émaillant tous les discours et les écrits actuels consacrés à l’aviation décarbonée. Certes, H2 a de très grandes qualités, mais en revanche, son utilisation comme combustible avion, présente une série d’incompatibilités : masse des réservoirs, volume, sécurité… insuffisance des sources, des technologies actuelles de production et d’acheminement. Beaucoup de progrès restent à faire pour assurer la sécurité de la combustion de l’hydrogène.
L’hydrogène, malgré ces incompatibilités est présenté comme améliorable, le rendant éligible à la motorisation des avions dans un lointain futur. Pour cela il faudrait vaincre les lois de la physique et inventer des technologies miraculeuses, ce qui, à ce jour, est une utopie. En dehors de ces obstacles techniques insurmontables, H2 devrait passer sous Les Fourches caudines réglementaires, financières, étatiques…Et surtout ne jamais perdre de vue que le transport aérien est mondial. Une condition sine qua non d’utilisation de l’hydrogène est que son utilisation soit mondiale. L’avion à hydrogène, parti de France, devra trouver à s’avitailler en H2, partout sur la planète, si on veut le voir revenir... C’est là toute la différence avec l’automobile pour laquelle des règles drastiques peuvent être imposées dans le périmètre parisien.
L’hydrogène, reste un espoir, fût-il insensé, « faisant vivre » beaucoup de monde. Ici, il n’est pas question de nuire à cet espoir. Pourquoi ? Parce que si les prospections consacrées à la motorisation avion avec l’H2 n’ont pratiquement aucune chance d’aboutir, elles peuvent déboucher sur autre chose de plus intéressant. Les exemples historiques ne manquent pas …
Et surtout, si l’on veut atteindre les objectifs de décarbonation, il ne faut pas perdre de vue que H2 est nécessaire pour la production des carburants durables pour avion.
COMPATIBILITÉS ET INCOMPATIBILITÉS ENTRE H2 ET L’AVION
Émissions de CO2 : avantage hydrogène
Nos lecteurs ayant gardé un souvenir de leur Terminale savent que :
- Kérosène 2C10H22 + 31 O2 ⇒ 20 CO2 + 22 H2O + Énergie (1 kg de kérosène ⇒ 3 kg de CO2)
- Hydrogène 2 H2 + O2 ⇒ 0 CO2 + 2 H2O + Énergie (1 kg d’hydrogène ⇒ 0 kg de CO2)
C’est le zéro CO2 de l’hydrogène qui a fasciné les décideurs. Ils ont là une réponse toute trouvée aux exigences actuelles de décarbonation. Jusqu’au jour où un calculateur remarqua qu’à énergies dissipées égales, H2 émettait trois fois plus d’eau dans l’air que le kérosène.
Pouvoirs énergétiques : avantage hydrogène
En brûlant 1 kilo de kérosène, on libère 12 kWh
En brûlant 1 kilo de H2 gazeux ou liquide, on libère 33 kWh (le triple du kérosène)
Attention : entre l’énergie dissipée, ci-dessus, et l’énergie disponible pour l'avion, il faut tenir compte des rendements de 30 % environ.
Si on s’en tient là, l’hydrogène a 20/20. Malheureusement, dans les autres tests c’est souvent la note éliminatoire de 0/20.
Volumes : avantage kérosène
- 1 kilo de kérosène occupe un volume de 1,25 litre
- 1 kilo de H2 gazeux à 700 bars occupe un volume de 23,3 litres (19 fois plus que le kérosène et 7 fois plus à énergie identique au kérosène)
- 1 kilo de H2 liquide à – 253°C occupe un volume de 13 litres (4 L de LH2 donnent une énergie égale à 1 kg de Kérosène). En volume, c’est mieux que l’H2 gazeux, mais qui se paie en masse d’installation cryogénique, en risques …
CONVERTIR UN MOYEN-COURRIER À L’H2 … QUOI QU’IL EN COÛTE …
C’est faisable. Reste à voir le résultat.
Les calculs présentés ci-après ne sont que des ordres de grandeur destinés à donner une idée approximative de ce que serait un moyen-courrier hydrogéné.
Un moyen-courrier type A320/B737 motorisé kérosène
Un moyen-courrier c’est, en ordre de grandeur : 40 t à vide, 19 t de carburant dont 16,2 t disponibles compte tenu des réserves prises à 15 % par simplification, 13 t de passagers, 6 t de fret et une masse maxi au décollage de 78 t.
Avec le plein kérosène disponible, le range maxi est d’environ 3 750NM (7 000km). Il vole en croisière à 830 km/h. Sa consommation varie suivant la masse de l’avion entre 2 kg kéro/km et 4 kg kéro/km. C’est-à-dire entre 0,7 kg H2/km et 1,4 kg H2/km.
Pour « hydrogéner » ce moyen-courrier, il faut examiner les masses et les volumes correspondant aux réservoirs d’H2 dans les configurations habituelles du diagramme Payload-Range.
Ce moyen-courrier type A320/B737 motorisé Hydrogène
Configuration A
Remplacer les 6 t de fret + les 13 t de passagers + les 19 t de kérosène par 38 t de H2 et réservoirs. Intervient le redoutable indice gravimétrique de 0,05 (1 kilo de H2 c’est 19 kilos de réservoir blindé pour tenir un crash 9 g)
Avec l’indice de sécurité maxi 0,05, on aurait 1,9 t de H2 + 36,1 t de réservoirs
Avec 1.9 t H2 - 1.6 t de H2 disponible, le range serait de 960 NM, 1 780 km (consommation 0,9 kg H2/km)
Le volume des réservoirs occuperait 44 m3 soit 1/3 du volume cabine passagers.
Dans cette configuration l’avion serait un simple « point de calcul », sans passager, sans fret, (zéro payload), limité à 960 NM de range (1 780 km).
Point A sur le diagramme.
Configuration B
On peut remplacer les 6 t de fret + les 19 t de kérosène, par 25 t de H2 avec réservoirs.
Avec indice sécurité maxi 0,05, les masses seraient : H2 = 1,25 t + 23,75 t réservoirs.
Avec 1,25 t, 1 t disponible de H2, le vol serait limité à 490 NM (900 km) (conso. 1,10 Kg H2/km)
Le volume des réservoirs occuperait 30 m3, soit 35 places passagers à sacrifier.
Cette option aboutit à un avion très éloigné d’un avion de ligne, sans fret, avec capacité réduite à 115 passagers (10 t de payload) et surtout réduit à une 1 heure d’autonomie de vol et un range de 490 NM (900 km).
Point B sur le diagramme.
Configuration C
On peut remplacer les 19 t de kérosène par 19 t de H2 avec réservoirs.
Toujours avec l’indice gravimétrique de 0,05, les masses seraient 1 t H2 + 18 t réservoirs.
Avec 1 t H2 − 0,85 t de H2 disponible, le vol serait limité à 230 NM (425 km) (conso. 2 kg H2/km).
Le volume des réservoirs occuperait un volume de 23 m3 soit 27 places passagers à sacrifier.
Cette option aboutirait à un avion éloigné d’un avion de ligne avec une capacité réduite à 123 passagers ( 11 t + 6 t fret = 17 t de payload), mais surtout à pleine charge, à un range de 230NM (425 km), une autonomie de 30 minutes de vol.
Point C sur le diagramme.
Ce graphique comparant les diagrammes, montre que le moyen-courrier « hydrogéné » n’est pas un avion de ligne, mais un avion-laboratoire.
La capacité énergétique de H2 comme carburant avion apparaît comme le quart de celui du kérosène.
Ce déficit de H2 serait très difficile à combler, car il vient de la métallurgie des réservoirs. Or, des réservoirs légers et résistant à 700 bars restent du domaine du rêve.
Les moteurs ?
Les moteurs capables d’avaler de l’H2 directement dans la chambre de combustion, n’existent pas encore, il faudrait développer un système de combustion maîtrisant la combustion en toute sécurité. L’hydrogène doit être introduit dans la chambre de combustion sous forme gazeux et sous une pression de l’ordre de 50 à 70 bars. Mais les motoristes sont optimistes. SAFRAN déclare qu’un tel moteur est réalisable : son expérience dans le spatial l’aidant. Rolls-Royce déclare avoir réalisé un tel essai.
Cela dit, les motoristes auront fort à faire, car la flamme de la combustion de H2 atteint 2 800°C, bien supérieure à ce que supportent les chambres des réacteurs actuels. Toutefois les spécialistes disent que la température entrée turbine pourrait être voisine, voire légèrement plus faible, la richesse est plus faible (moins de « carburant » pour une même quantité d’air).
Conclusion
Un moyen-courrier commercialisable « hydrogéné » n’est aujourd’hui guère envisageable à court et moyen terme. L’utilisation de H2 est possible sur des véhicules terrestres routiers et trains où la masse de H2 y est moins importante.
Option réaliste
H2 peut être testé pour des avions de petite capacité passagers et pour de courtes distances. Les développements en cours utilisant l’hydrogène, au moyen de l’électricité produite par une pile à combustible alimentant des moteurs électriques, peuvent, peut-être, à long terme, ouvrir des pistes.
Option optimiste modérée
Mais l’H2 reste une option technique que l’on ne peut exclure : un avion avec une faible capacité de transport de passagers, sur des petites distances. Cette idée est renforcée par la statistique montrant que 80 % des moyen-courriers travaillent sur des ranges inférieurs à 1 000NM. Cependant cette option subit déjà des vents contraires, en particulier celui venant du gouvernement français qui veut remplacer de tels avions par des trains ou des cars. Un autre vent contraire viendra des passagers qui hésiteront peut-être à voyager à côté d’H2. Enfin, le vent contraire venant du large, celui des pays encore en phase de développement du transport aérien qui ne pourront pas investir dans les infrastructures et les usines de production d’H2.
LES AUTRES CHALLENGES
Les passagers
Le dessin de cet avion régional avec ses trois réservoirs d’H2, illustre la réduction de capacité de l’avion en nombre de passagers causée par les réservoirs H2. Le passager finit par s’habituer à tout, mais accepterait-il facilement de voyager, coiffé et adossé à de telles « bonbonnes » ? Le souvenir du Zeppelin avec la tragique explosion de 1937 reste gravé dans la mémoire collective.
Production d’hydrogène :
La fabrication de l’H2 industriel existant provient du reformage du Méthane, ce qui produit du CO2 ou pyrolyse à 2 000°C qui produit du carbone. De surcroît cet H2 (1 million tonnes /an en France) est utilisé en priorité, à 95 %, pour fabriquer des engrais et désulfurer le pétrole. Les 5 % restants vont au secteur spatial. Il reste peu de disponibilité pour l’avion.
Notons aussi qu’une usine de production d’hydrogène est d’office classée Seveso.
Quant à la fabrication de l’hydrogène à partir de l’électricité, elle est plus que problématique.
En effet …
Il faut 2 à 3kWh d’électricité verte pour produire, par électrolyse, l’hydrogène capable de fournir 1kWh. En effet, entre l’électricité débitée et l’hydrogène produit il y a une cascade de pertes : perte en ligne, perte et rendement à la fabrication, perte de stockage. D’où le cumul des pertes :
H2 gazeux sous 700 bars : 93% x 70 % x 80 % = 48 % soit rendement 52 %
LH2 liquide à -253°C : 93 %x 60 % x 85 % = 67 % soit rendement 33 %
Un petit calcul concernant la France :
La consommation annuelle de kérosène en 2018 : 7,1.106 t.
- Pour remplacer ces 7,1.106 t de kérosène il faudrait : 2,5.106 tonnes d’hydrogène.
- Pour produire tout cet hydrogène, il faudrait en énergie électrique :
- 164 TWH pour H2 gazeux à 700 bars. Soit 30 % de notre production électrique
- ou 258 TWH pour LH2 liquide -253°C. Soit 50 % de notre production électrique.
À l’heure où il est recommandé à chacun d’éteindre les lumières, on comprend que penser à l’e-hydrogène relève du mythe prométhéen.
Autre solution : Hydrogène liquide à -253°C … voie sans issue.
Avec LH2 à – 253°C, on gagne en volume par rapport au H2 gazeux à 700 bars, mais on y a vite renoncé, car maintenir un liquide (LH2) à – 253°C pendant une longue durée n’est pas envisageable (déperdition thermique, évaporation dans l’atmosphère y compris au parking de -3 à 5%/jour et masse des installations). L’H2 liquide est réservé aux lanceurs spatiaux, chargés juste avant le lancement… quand tout le monde est aux abris…
Autre solution : La pile à combustible … voie sans issue
Cette solution envisagée pour l’avion motorisé à l’électricité, lourde et coûteuse est également une voie sans issue. Ceci à l’instar de l’automobile où la plupart des constructeurs ont renoncé à la pile à combustible pour se rabattre sur les batteries. Les systèmes intégrant des piles à combustible continuent à être étudiés pour des applications spécifiques telles que poids lourds, APU, engins de chantier… mais ils sont pénalisés par les progrès rapides des batteries.
Foin de cette opinion négative, Universal Hydrogen a bien l’intention de faire voler un ATR72 doté de piles à combustible et de moteurs électriques. Nous l’évoquons dans les pages suivantes.
Encore moins découragé par le challenge que représente l’utilisation de l’H2 comme combustible avion, l’explorateur suisse Bertrand Picard vient d’annoncer qu’il ferait un tour du monde en 2028 avec un avion doté des moteurs électriques alimentés par des piles à combustible hydrogène liquide (-253°C). Son avion s’appelle Climate impulse. Chacun aura compris qu’il s’agit avant tout d’une mission CLIMAT.
Acheminement et fabrication de l’hydrogène
L’acheminement de l’H2 par pipeline à double paroi (différent du pipeline pétrole) ; ou camions des lieux de production aux aéroports, est plus que complexe, voire inenvisageable. La seule solution serait de produire sur place. Pour des avions régionaux, le chargement peut être fait par remplacement d’un pack de bidons d’hydrogène Oui, mais…
Les autres obstacles
Dans cette note nous évoquons uniquement les obstacles techniques. À ces derniers viendraient s’ajouter : certification, finances, État.
Et surtout la sécurité : classement Seveso au moins pour la production. Comment convaincre des pays en développement de construire leur centrale H2 à chaque aéroport ?
QUEL ESPOIR POUR L’AVENIR ?
A-t-on une chance d’amélioration dans l’avenir ?
Les Américains en 1956, après quelques échecs, ont réussi à faire voler un B57 doté d’un moteur alimenté à l’H2 : sans suite.
Les Russes, sont allés jusqu’au bout de leur rêve et ont fait voler en 1988 un Tupolev 155 à hydrogène (sous forme liquide) : sans suite.
Les Français, même résultat pour l’Airbus A300 à hydrogène : sans suite.
Comme le dit un expert : « S’il y avait eu le moindre début de commencement d’intérêt, on aurait continué ».
Ce qui est certain c’est que les caractéristiques physiques (masse volumique, le point triple des états de l’hydrogène …) ne changeront pas. H2 restera une molécule « capricieuse » tout le contraire du kérosène « bonne pâte ».
Les hydrures métalliques censés remplacer H2 gazeux ou liquide ont, certes, de bonnes caractéristiques de volume et de masse, si impératives pour l’avion, restent objets de laboratoire.
Nous avons toutes raisons de croire que H2 motorisant les avions restera une impossibilité, une utopie. Mais, ce n’est pas une raison pour renoncer aux recherches. Pourquoi ?
POURQUOI POURSUIVRE LES RECHERCHES ET LES ESSAIS ?
Nos lecteurs s’étonneront certainement de la contradiction entre cet avis négatif et l’attitude plus que positive des avionneurs, motoristes, des start up … L’État pourtant impécunieux ouvre sa bourse, des investisseurs privés ouvrent la leur, dans une ambiance de ruée vers l’or Hydrogène. Chaque jour apporte l’annonce d’un nouveau projet d’avion mû à l’hydrogène.
Quelques exemples :
Airbus, au dernier Salon du Bourget, a promis de mettre en service en 2035 un avion à Hydrogène. Il a annoncé avoir mis au point une pile à combustible de 1,2MW. Bravo ! Rappelons cependant que la puissance nécessaire au décollage d’un A320 de 78 tonnes est de 39 MW.
Rolls-Royce a fait fonctionner un moteur d’avion d’affaires PEARL 700 en injectant directement l’hydrogène dans la chambre de combustion à l’aide de buses adaptées. Bravo ! Rolls associé à easyJet promet un avion à hydrogène pour 2030. Pour une fois, le moteur arriverait-il avant l’avion ? Le risque que présente H2 est qu’il brûle et explose facilement. Le problème est plus au niveau avion : réservoirs, alimentation moteur, avitaillement et logistique qu’au niveau moteur qu’on saurait adapté à ce nouveau combustible.
Safran en partenariat avec Airbus et ArianeGroup pilote le projet HYPÉRION dont l’objectif prudent est d’évaluer les solutions de motorisation hydrogène des avions commerciaux. Évaluer…parfait.
Destinus une start up suisse, fondée en 2021, ne doute de rien : elle promet un avion hypersonique propulsé à l’hydrogène.
ZeroAvia une start up britannique promet un 20 sièges motorisé à l’hydrogène pour 2025. Il n’y a plus de temps à perdre…
UH2, annonce qu’elle va convertir les ATR à l’hydrogène. Cette société californienne managée par un ancien responsable technique d’Airbus, vient d’inaugurer un atelier de 3 000 m2 à Toulouse. Après avoir essayé en vol un moteur à Hydrogène sur un Dash8-300, son objectif est de convertir et faire voler un ATR 72. Le Kit de conversion comprend deux réservoirs d’H2 liquide (-253°C) et une douzaine de piles à combustible chargées d’alimenter les moteurs électriques. L’originalité est que ces réservoirs seront apportés par transpalettes et installés dans un logement réservé à l’arrière de la cabine. La capacité passagers passe de 72 à 56 places. Avec ses 350 kg de LH2, ce constructeur, optimiste, vise les 1 000 km (contre 1 500 km pour l’ATR kérosène). Les passagers auront le plaisir de voyager devant les réservoirs …
Pour les cas de crash (dimensionnement à prendre en compte aussi pour le réservoir), Il semblerait que H2 se disperse rapidement dans l’atmosphère. Le risque explosion serait réduit si aucune étincelle ne se produit durant le choc.
Le projet ATR hydrogène n’a pas mis toutes les chances de son côté (LH2 liquide – pile à combustible). Il lui reste bien des problèmes à régler avant de prendre l’air (TRL 2 à 3 dixit Airbus).
L’opinion de quelques chefs d’entreprises
Le DG de SAFRAN, Olivier ANDRIÈS, réaliste, rejoint ce que nous disons dans cette note : « H2 c’est la solution presque idéale, mais c’est aussi celle qui a le moins de chance de voir le jour »
Éric TRAPPIER, PDG de Dassault Aviation, déclare : « L’Europe croit à l’avion à Hydrogène, moi, je n’y crois pas !»
Guillaume FAURY, DG d'Airbus, par circonlocution, dit la même chose au Bourget en 2019, il conclut son plaidoyer sur l’hydrogène par cette retombée : « The content of a solution (H2) is not clear to day, but the need to find one is ».
Ce ne sont-là que quelques exemples pris dans une longue liste de compétiteurs « H2 »
Notre scepticisme à l’égard de la plupart de ces projets ne nous empêche pas de les approuver et nous leur souhaitons un heureux dénouement. Pourquoi ?
Ces recherches et essais ne feront certainement pas découvrir le moyen d’utiliser H2 comme carburant avion, mais peut-être autre chose d’aussi utile.
De grandes découvertes ont été le fruit du hasard, d’un accident, d’une erreur, voire d’une négligence.
Ceci au point que l’on a inventé le mot sérendipité pour qualifier le fait de chercher une chose et d’en trouver une autre tout aussi utile.
Nous avons tous en tête quelques exemples :
Christophe Colomb était parti pour découvrir l’Inde et il a découvert l’Amérique.
Archimède : Se prélassant dans son bain, s’écria Euréka ! Il avait découvert l’hydrostatique.
Fleming a découvert par hasard la pénicilline, dans ses boîtes de Richard Petri, où il cultivait des bactéries, abandonnées pendant les vacances et qu’il retrouve couvertes de moisissures.
… et des centaines d’autres cas existent en tous domaines : rayons X, vulcanisation, velcro, post-it, micro-ondes, téflon, poudre à canon, insuline, quinine …
Bêtise oui, même la bêtise a été l’origine d’une découverte : la bêtise de Cambrai. Excellent bonbon résultant de l’étourderie d’un apprenti confiseur ayant mal dosé sucre et menthe.
Dans le domaine de l’aéronautique, les exemples de sérendipité ne manquent pas :
Joseph Montgolfier est issu d’une famille de papetiers ardéchois, rien ne le destinait à l’aéronautique. Voulant chauffer la chemise qu'il allait mettre, il l’enfila sur le dos d’une chaise et la plaça, col boutonné, devant l’âtre. Il eut la surprise de voir le tissu se gonfler et la chemise s’élever. Ainsi était née la Montgolfière en 1782.
Le capitaine Ferber, au début du siècle passé, fut chargé d’expérimenter les premiers avions motorisés. On ne connaissait rien des lois du pilotage. Très souvent on tirait trop sur le manche, on décrochait et on allait au tapis. Un jour le capitaine FERBER, en mauvaise posture, repoussa le manche par mégarde et à sa surprise vit l’avion reprendre vitesse et altitude. Il venait de découvrir le décrochage.
Mais c’est surtout le pragmatisme qui prévaut en aéronautique. Un grand exemple est le long cheminement de la recherche d’énergie capable de mouvoir les avions.
On a tout essayé comme le rappelle la planche illustrée.
- Énergie du vent. On équipa des ballons de voiles. Ballon à voile soufflée de Terzuolo.
- Énergie élastique. Launoy et Bienvenu utilisèrent l’élasticité d’un fanon de baleine pour accumuler de l’énergie pour mettre en rotation des hélices.
- Énergie chimique, à air comprimé, peu convaincant
- Énergie électrique. En 1884, Renard équipa un ballon d’un moteur électrique et de batteries.
- Au bout de deux siècles de tâtonnements, l’énergie thermique allait se révéler être la seule possible !
C’est cette centenaire qui est sur la sellette aujourd’hui.
CONCLUSIONS
- L’hydrogène a beaucoup de qualités, mais aussi des défauts et des exigences le rendant totalement impropre à servir de carburant pour motoriser les avions de transport.
- Le recours à l’hydrogène comme carburant est exclu. Même les progrès technologiques que l’on peut espérer n’y changeront rien : H2 carburant avion restera une utopie.
- Ceci étant, cela ne condamne pas le flot de recherches sur les carburants aéronautiques décarbonés. Comme on l’a vu précédemment, c’est en cherchant qu’on finit par trouver … pas toujours ce que l’on cherche … et H2 reste une option pour les transports terrestre et maritime.
La devise de Guillaume d’Orange reste actuelle : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer »
Définitions
kWh : kilowattheures c’est l’énergie fournie par une puissance d’un kilowatt pendant une heure.
Un four électrique ayant une puissance de 2 500 watts (2,5 kW) consommera 2,5 kWh pendant l’heure de cuisson de votre poulet.
Bar : unité de pression. La pression la plus commune est la pression atmosphérique 1 013 millibars (1,013 bar) pour fixer les idées le bar c’est une « force » de 1 kilo appliquée sur une surface de 1 cm2.
-253°C : température très basse difficile à atteindre artificiellement et surtout à maintenir dans un réservoir. Le zéro absolu limite est -273°C. Sur terre les températures extrêmes sont de l’ordre de -90°C.
Pile à combustible C’est une pile où l’hydrogène est introduit côté anode, l’oxygène côté cathode. Il faut de "l’électricité verte" pur fabriquer "l’hydrogène vert" de la pile pour obtenir de l’électricité transportable, mais avec un rendement désastreux.
Méthane c’est l’hydrocarbure utilisé pour fabriquer l’hydrogène par reformage. Une opération consommant beaucoup d’énergie : chaleur (800° -900°C)
CH4 + H2O ⇒ CO + 3 H2
CO + H2O ⇒ CO2 + H2
Indice gravimétrique
Rapport entre la masse d’hydrogène contenue dans les réservoirs et la masse totale du réservoir plein. Certains auteurs (David Chapelle) donnent des valeurs de 0.05 (45 g de H2 dans un réservoir pesant au total 1 kg.). Les progrès sur la résistance des matériaux permettent d’atteindre 0.10 (100 g de H2 dans un réservoir de 1 kilo)
https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/39/110/39110495.pdf
La masse des réservoirs pouvant recevoir l’hydrogène est à ce jour un problème non résolu.
Sources
- Découvrir & Comprendre - L'hydrogène (cea.fr)
- L'hydrogène ne pourra pas décarboner toute l'aviation – France Hydrogène - France Hydrogène (france-hydrogene.org)
- Avion à hydrogène, les patrons de l’aéronautique n’y croient pas (climato-realistes.fr)
- Avion à hydrogène - Dernières actualités - H2 Mobile (h2-mobile.fr)
- Des avancées majeures pour Airbus et son avion à hydrogène (usinenouvelle.com)
- Le patron de Safran réitère ses réserves vis-à-vis de l’avion à hydrogène d’Airbus (usinenouvelle.com)
- Liste de découvertes et inventions liées au hasard — Wikipédia (wikipedia.org)
C'est quoi la sérendipité ? - 80 découvertes dues au hasard qui ont bouleversé le cours de l'histoire Danièle Bourcier , Pek Van Ande
Bodemer et Laugier : les moteurs à pistons aéronautiques français (1900/1960)