Au service de la France
Notre attention a été attirée par le récent communiqué de Dassault Aviation :
Dassault Aviation devient mécène de la Fondation Charles de Gaulle (...) Une convention de mécénat a été signée par Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, et Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles de Gaulle…
La signature d’un tel mécénat ne peut guère surprendre compte tenu de l’histoire commune entre le Général et l’avionneur. Chacun à sa manière, a contribué à défendre la souveraineté nationale et l’aéronautique militaire française.
La présente lettre TBM est un simple flash rappelant l’épisode du Mirage IV nucléaire qui est la concrétisation de la volonté gaullienne d’indépendance et de la haute technicité des ateliers de l’homme au trèfle à quatre feuilles, qu’était Marcel Dassault.
Bien d’autres épisodes suivront émaillant une histoire qui se prolonge jusqu’à nos jours et qui perdurera encore longtemps.
Le politique et l'industriel
Quand une volonté politique comme celle de De Gaulle peut s’appuyer sur la détermination d’un industriel disposant d’usines performantes comme celles de Marcel Dassault cela donne une France qui retrouve son rang sur la scène internationale.
Ce fut le cas, il y soixante ans avec le MirageIV décollant pour la première fois, avec une charge nucléaire. Une bombe atomique signifiant au monde entier que la France détenait une arme nucléaire de dissuasion.
Le chemin a été long et semé d’embûches avant que la bombe du Général puisse s’installer sous l’avion de l’industriel.
En souvenir de notre combat, en témoignage de ma haute considération pour la part qu’il prend au « standing » de la France.
Amicalement !
Charles de Gaulle, 11 novembre 1954
La bombe du Général
La bombe : une obsession pour De Gaulle.
Pour De Gaulle, l’arme de dissuasion nucléaire, a toujours été une constante dans sa vision de l’avenir. Il y voyait l’unique moyen pour la France de retrouver sa souveraineté perdue en 1940. Comme chacun sait, condamné à mort par le régime de Vichy, il dut se replier en Angleterre pour y poursuivre le combat. Pendant toute cette période, il a été contraint de s’en remettre aux bonnes grâces de Winston Churchill et batailler contre Roosevelt qui considérait l’armée française comme quantité négligeable.
Le visionnaire qu’était le Général avait compris qu’avec la « bombe », la France retrouverait, d’un coup, sa place au côté des « Grands ». Avec la bombe il se débarrassait de la tutelle anglaise et américaine. Son désir de bombe n’était pas du goût des alliés qui avaient décrété l’interdiction de toute recherche… en dehors de chez eux.
Le général et le physicien
Durant son bref passage au gouvernement provisoire de 1944 à 1946, il créa le CEA dont il confia la direction au grand physicien Frédéric Joliot Curie. L’histoire malicieuse a obligé le Général à s’en remettre à un communiste pour fabriquer sa bombe. Il devait lui mettre la pression pour que ce dernier lui réponde, un jour : « je vous la ferai, mon général, votre bombe ». Voir ci-dessous le témoignage d’Alain Peyrefitte :
« Le général de Gaulle avait créé le CEA " d'abord pour fabriquer la bombe " me répétait-il. Il avait nommé Joliot Curie avec cette mission expresse. Et Joliot avait accepté ! " Je vous la ferai, mon général, votre bombe ! " » Alain Peyrefitte, Le Mal français, p. 83. (Paris, Plon, 1976.)
Atome civil ou militaire ou les deux ?
Cependant beaucoup de physiciens, dont Joliot-Curie en particulier, furent traumatisés par le désastre humain de Hiroshima et Nagasaki en 1945. Ils voulaient un atome civil et non un atome militaire.
En 1950, Joliot-Curie fut destitué sur décision du gouvernement. Cependant, c’est grâce à ses travaux de recherche commencés dès 1938 que la Bombe put continuer. Les communistes, en 1977, inquiets de la politique de défense de Giscard, durent admettre que la défense de la France passait nécessairement par l’arme nucléaire (rapport Kanapa).
Le Général revient aux affaires
Le Général revenu aux affaires en 1958, après une traversée du désert, allait booster le CEA pour concrétiser la force de frappe nucléaire. Sur la photo ci-après, on le voir, en 1958 en visite à Marcoule, s’informant sur l’avancement des travaux sur le plutonium.
En 1960 la première bombe A de 70 kilotonnes française explose avec succès à Reggane dans le sud Sahara.
Le Général exulte par un communiqué : « Depuis ce matin, la France est plus forte et plus fière » son ministre des Armées précise : « Nous continuerons de travailler pour doter la France d’une force de frappe disposant à la fois de têtes nucléaires et de moyens nécessaires pour les transporter »
Pour ces moyens devant transporter l’arme nucléaire stratégique, le Général s’adressera d’une part à la Marine en lançant le sous-marin lance-engins l’Inflexible et d’autre part à l’armée de l’air et à Marcel Dassault pour le lancement du Mirage IV. Une troisième composante sous forme de missiles enterrés sera également installée
En matière militaire, le Général ne faisait pas dans la demi-mesure.
L’avion de l'industriel
Les prisons et Buchenwald
Pour Marcel Dassault, la Seconde Guerre mondiale fut la période de tous les dangers. Ses ateliers furent confisqués par l’occupant allemand. Le gouvernement de Vichy et la presse le poursuivront de leur haine antisémite. De 1940 à 1944, il ira de prison en prison. Sollicité par les Allemands pour travailler pour le Reich, il refusera. En 1944 il est arrêté par la Gestapo et déporté au camp de Buchenwald. Le concernant, le hasard malicieux placera ce patron d’usines sous la protection d’un patron d’un tout autre genre, celui de la résistance du camp, le communiste Marcel Paul.
Le retour de Marcel Dassault
Dès son retour de déportation en 1945, à peine remis sur pied, il relance ses ateliers avec de nouveaux projets d’avions. Comme de Gaulle, il avait été mortifié par la défaite de 1940, mortifié de voir la supériorité aérienne allemande (1 contre 4 si l’on en croit Saint Exupéry).
De Gaulle voulait sa bombe, Dassault voulait son avion.
Ce sera un souci quasi frénétique dans les bureaux d’études, les ateliers, les centres d’essais pour sortir des avions militaires censés interdire toute incursion étrangère sur notre sol. Une sorte de vengeance rétrospective contre la défaite de 1940. Ouragan, Mystère, Étendard, Mirage se succèdent à la cadence d’un nouveau prototype tous les deux ans.
Cependant, l’avion porteur de la bombe reste une activité confidentielle. En l’absence du Général, sa stratégie demeure dans les esprits, mais les gouvernements en place oscillent entre atome civil et atome militaire. Dans l’usine prototype de Dassault Saint-Cloud cette activité est logée dans un bâtiment discret appelé « La chose ». On y profile l’aérodynamique de l’enveloppe de la bombe.
Le retour de de Gaulle
En 1958, son retour aux affaires allait donner un grand coup d’accélérateur à l’avion chargé de porter la bombe. Le général avait une nouvelle bonne raison pour cela. En 1956, l’ultimatum conjoint Russo-Américain avait obligé les troupes franco-anglaises expédiées sur le canal de Suez, à lever leur occupation et repartir chez elles … sans délai. La bombe, arme de destruction massive malheureusement démontrée à Hiroshima, prouvait avec l’épisode Suez qu’elle était aussi une arme politique et diplomatique puissante. La stratégie de dissuasion se concrétisait.
De toute façon, pour le Général, il était insupportable que la France devînt vassale des États-Unis ou de la Russie. Il lui fallait sa bombe et son avion seule manière d’échapper à la tutelle étrangère.
Son ministre de la Défense, Pierre Mesmer était sur la même longueur d’onde :
« Nous continuerons à travailler pour doter la France d’une force de frappe disposant à la fois de têtes nucléaires et des moyens pour les transporter »
Marcel Dassault, lucide, partageait cette vision. En 1955, dans sa revue « Jours de France » il publiait un surprenant éditorial.
« Si les discussions sur le désarmement duraient trop longtemps, ou, en fin de compte, n’aboutissaient pas, il deviendrait alors indispensable que nous disposions également de l’armement atomique. Nous ne pouvons plus nous dissimuler que la puissance est liée à cet impératif …
La France abandonnée à ses seuls moyens de défense est une ville ouverte. »
L’avion Mirage IV un sacré challenge
Le moyen de transporter la bombe sera fourni par Dassault avec l’avion Mirage IV. Ce dernier arrivant à la suite de la série des autres Mirage qui avaient des capacités plus limitées. Après bien des atermoiements entre le Ministère et l’avionneur, il est décidé que le porteur de la bombe serait bimoteur, adapté aux moteurs disponibles à la Snecma, et devrait être capable de voler à deux fois la vitesse du son, soit 2500 km/h, et surtout pouvoir aller … loin à l’Est, et revenir, et faire la moitié de la mission en supersonique, ce qui conduisait à un avion de 32 tonnes. Ce fut un formidable et très difficile challenge pour la société Dassault relaté dans le livre « 50 ans d’aventures aéronautiques » de Claude Carlier et Luc Berger aux éditions du Chêne.
Durant toute la phase de mise au point de cet avion exceptionnel pour son époque, de Gaulle se tenait au courant de son avancement. D’après le général Gallois son conseiller militaire, il avait les plans et le planning des essais sur son bureau.
C’est dans le temps record de cinq ans que le bombardier stratégique français fut mis au point et devint opérationnel, suscitant la curiosité intéressée de nombreux pays étrangers.
La force de frappe française
En octobre 1964, un Mirage IV appartenant aux forces spéciales françaises décollait en alerte opérationnelle avec une bombe A encastrée sous son ventre. Il allait simuler une mission d’attaque contre des forces supposées ennemies situées en Allemagne de l’Est, Hongrie….
Avec le Mirage IV, la France entrait dans le club fermé des possesseurs de l’arme de dissuasion nucléaire. La voix du Général avait, d’un coup, un tout autre écho. Il n’allait pas s’en priver…
Il y eut de nombreux essais de largage de la bombe inerte sur la base d’essai à Cazaux dans les Landes.
Il y eut enfin en 1966 le largage d’une bombe active qui embrasa le ciel de Mururoa à partir d’un Mirage IV volant à Mach 2 à 45000 ft. La France maîtrisait l’arme de dissuasion nucléaire.
Soixante ans après
La France célèbre le soixantième anniversaire de ce premier vol du Mirage IV porteur de l’arme de dissuasion nucléaire. Cet événement fut le résultat de deux volontés, celle du général de Gaulle et celle de l’avionneur Marcel Dassault. Deux énergies tendues vers un seul but : la souveraineté nationale en matière de défense.
Dassault Aviation en la personne de son Président, Éric TRAPPIER, dans la suite logique de ce passé commun a signé une convention de mécénat en faveur de la Fondation Charles de Gaulle.
Cette signature a eu lieu à Colombey-les-Deux-Églises, lieu hautement symbolique de la famille de Gaulle, voir ci-dessous le communiqué de Dassault Aviation et la photo de la signature.
Saint-Cloud, le 9 octobre 2024 – Hier, alors que la France célébrait le 60e anniversaire de la première alerte opérationnelle du Mirage IV des Forces aériennes stratégiques (FAS), porteur de la dissuasion, une convention de mécénat a été signée par Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, et Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles de Gaulle. Cette signature a eu lieu en présence de Sébastien Lecornu, ministre des Armées et des Anciens Combattants, à Colombey-les-Deux-Églises (52), où a vécu et est enterré le général de Gaulle.
Et demain ?
Demain, ce sera au tour du nouvel avion Dassault, Rafale, d’assurer notre indépendance nationale en matière de défense et surtout espérons-le de gardien de la Paix. Au cours des siècles le monde a beaucoup changé. Cependant une formule semble traverser les siècles sans changement : elle date de l’Empire romain « si vis pacem para bellum ».
Voir le communiqué ci-dessous :
Lancement d’un programme de drone de combat
dans le cadre du standard F5 du Rafale
Saint-Cloud, le 8 octobre 2024 – Ce jour, Sébastien Lecornu, ministre des Armées et des Anciens Combattants, a annoncé le lancement du développement du drone de combat qui viendra compléter le futur standard F5 du Rafale (post-2030).
Cette annonce a eu lieu à l’occasion d’une cérémonie célébrant les 60 ans des Forces aériennes stratégiques (FAS), sur la base de Saint-Dizier, en présence du général Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), et d’Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation.
L’avion Rafale, conçu pour répondre aux besoins de nos armées, de fabrication 100 % française, répond exactement aux vœux des deux grands Français que furent le général de Gaulle et l’avionneur Marcel Dassault.
Cette caractéristique franco-française n’empêche pas son remarquable succès à l’étranger.
La carrière du Rafale est appelée à se poursuivre encore longtemps.