Airbus Global Market Forecast 2024
Les Prévisions d'Airbus 2024-2043 : trafic aérien, livraisons, flotte en service...
C’est toujours avec beaucoup d’intérêt que notre équipe ID AERO prend connaissance du Global Market Forcast publié annuellement par AIRBUS.
L’édition 2024 rejoint bon nombre de nos propres analyses, nous nous en réjouissons, même s’il subsiste dans ce document quelques points qui nous paraissent discutables.
ID AERO partage les points suivants de ce GMF 2024 :
- Le trafic aérien, une fois de plus, a fait preuve d’une robustesse remarquable en traversant la plus grande crise de son histoire.
- Le retour au niveau élevé de trafic de 2019 est pratiquement atteint et en voie d’être dépassé. On peut prévoir un overshoot au cours des trois prochaines années. Airbus abandonne le dogme des années perdues, irrécupérables. Enfin !
- La dynamique du trafic aérien repose sur les besoins irrépressibles de la population mondiale. Cette dynamique entraînera un doublement de la flotte au cours des vingt prochaines années.
- Enfin, bonne nouvelle, avec cette croissance forte, Airbus voit un taux annuel de croissance de 3.6 % qui ne devrait pas avoir d’impact important sur les émissions de CO2. Ces dernières seront compensées par le remplacement des ¾ des anciens avions par des modèles récents dont la consommation moteur est réduite de 20%. L’arrivée des SAF devant compléter cette maîtrise de l’empreinte carbone.
ID AERO, en revanche, ne partage pas les points suivants de ce GMF 2024 :
- La courbe moyenne d’évolution du trafic aérien qui, en toute logique, devrait être invariable avec le temps, change d’une année à l’autre, chez AIRBUS, s’adaptant aux besoins de sa démonstration. Concernant cette question, il semblerait que notre présentation sur place chez Airbus à Toulouse, soit restée lettre morte.
- Le taux de croissance constant de 3.6 % retenu sur 20 ans, par AIRBUS est, pour nous, une simplification, certes partagée par toute la communauté, mais imprécise. ID AERO a démontré la nécessité de recourir à un taux moyen dégressif pour faire des prévisions vraisemblables : 2020 : 4.1% , 2030 : 3.4% … 2050 : 2.4%. C’est aussi la seule manière de montrer l’inflexion dans la croissance du trafic en 2050.
- Enfin, petit reproche fait à Airbus qui continue de croire, ou fait semblant de croire, à l’avenir des avions « électriques » et à « l’hydrogène ». Depuis 2011, ID AERO publie des études démontrant l’illusion de telles solutions. Nous venons de publier plusieurs lettres sur ces sujets.
GMF 2024
GMF : Global Market Forecast
Périmètre : avions commerciaux à réaction de 100 places et plus.
Argumentaire Airbus
Les points clés mis en avant par Airbus dans le « Résumé des enseignements à tirer » (Summary take aways) du GMF 2024 sont les suivants :
- Alors que Covid est derrière nous, le trafic renoue avec les tendances antérieures.
- L'expansion des économies et de la population mondiale, l'augmentation de la classe moyenne, l'amélioration des infrastructures et la stimulation du trafic par les compagnies aériennes qui proposent de nouveaux vols abordables sont autant de facteurs qui contribuent à la croissance du trafic aérien.
- Les gens veulent et ont besoin de voler. L'aviation relie les gens, est un catalyseur pour les échanges, permet le commerce et soutient les communautés.
Principaux faits marquants
Par rapport aux précédentes prévisions (GMF 2023), le taux de croissance annuel du trafic aérien passagers PKT (3,6 %) est stable.
Mais Airbus prévoit deux périodes : 2024-2027 où le trafic surperformera et 2028-2043 où le trafic va renouer avec le rythme d'avant Covid.
Airbus met en évidence les éléments suivants :
■ L'amélioration de l'efficacité de l’avion a permis de démocratiser le transport aérien. De 1990 à 2023, les émissions de CO2 par PKT ont été réduites de moitié grâce aux améliorations technologiques et opérationnelles ; et l’empreinte carbone du transport aérien commercial a été contenue aux environs de 2 % des émissions mondiales anthropiques de CO2 d'origine fossile.
■ Sur les 20 prochaines années, la croissance du trafic aérien proviendra
de l'augmentation du PIB (+2,6 % 2023-2042),
de la population mondiale (+1,3 milliard de 2023 à 2043) notamment de l'expansion de la classe moyenne (+1,7 milliard sur les 20 prochaines années)
des voyageurs qui prennent l’avion pour la première fois,
et de l’accroissement des échanges commerciaux (+3,1 % 2023-2043).
■ L'Asie, notamment la Chine et l'Inde, tirera la croissance du trafic aérien, déplaçant encore le "centre de gravité" de l'aviation vers l'Asie.
Airbus prévoit une demande de quelque 42 430 avions passagers et avions cargo neufs sur la période 2024-2043.
Ce chiffre représente la livraison annuelle moyenne de quelque 2 121 appareils, en hausse par rapport aux précédentes prévisions (2 042/an).
croissance annuelle moyenne
GMF 2018 | GMF 2019 | GMF 2021 | GMF 2022 | GMF 2023 | GMF 2024 | |
---|---|---|---|---|---|---|
trafic aérien PKT | +4,4% | +4,3% | +3,9% | +3,6% | +3,6% | +3,6% |
trafic cargo | +3,7% | +3,6% | NC | +3,2% | +3,2% | +3,1% |
flotte passagers | +4,2% | +3,9% | +3,75% | +3,4% | +3,2% | +3,5% |
flotte cargo | +2,5% | +2,25% | +1,95% | +1,9% | +2,1% | +2,1% |
NC : non communiqué ; PKT : passagers km transportés ; GMF 2022 : 2019-2041 ; GMF 2023 : 2019-2042 ; GMF 2024 : 2023-2043
« Au cours des quatre dernières années, le transport aérien a une nouvelle fois prouvé sa résilience face à la crise la plus profonde et la plus longue de son histoire. Aujourd'hui, le trafic et les opérations des compagnies aériennes sont globalement revenus aux niveaux d'avant la crise, voire plus, à quelques exceptions près. Par conséquent, nous utilisons 2023 comme année de référence pour le trafic et la flotte pour la première fois depuis 2019. » (Airbus)
Trafic aérien
Au cours des 20 prochaines années, Airbus prévoit que le trafic fera plus que doubler (x2.4). Au cours des trois premières années, Airbus s'attend à ce que le trafic augmente d'environ 8 % par an, afin de rattraper la croissance perdue pendant la pandémie, avant de renouer avec une croissance annuelle d'environ 3,6 % à partir de 2027.
La présentation du GMF 2024 comporte plusieurs planches sur l’évolution du trafic aérien.
Planche page 2
Titre : Le secteur du transport aérien a prouvé sa résilience
Sous-titre : Croissance à long terme récupérée après des crises locales ou mondiales antérieures
Commentaires d’Airbus :
Après le 11 septembre, le SRAS et la crise financière, rebond du trafic vers une croissance à long terme
La période 2010 - 2019 a connu une croissance exceptionnelle, dépassant les prévisions de l'époque
La courbe qui correspond au GMF 2000 et aux commentaires 2024 d’Airbus est la suivante :
Planche page 9
Titre : Prévisions de trafic passagers
Sous-titre : Forte dynamique à court terme et normalisation à long terme
Commentaires d’Airbus :
Taux de croissance initial élevé de 8,4 % (CAGR) en moyenne jusqu'en 2027, le trafic récupérant environ deux années perdues pendant la pandémie.
À moyen et long terme, le trafic renoue globalement avec les tendances et le rythme d'avant Covid (~3,6 % CAGR 2027-43)
Commentaire ID AERO
Nous partageons cette analyse 2024 d’Airbus, qui est un changement judicieux par rapport aux précédents GMF d’Airbus qui étaient basés sur la théorie erronée du marché définitivement perdu pendant les crises.
Selon cette théorie, la demande ne devait pas retrouver la courbe de tendance entérinant une perte définitive de plusieurs années d’activité
Cette théorie ressort régulièrement à chaque crise. Voir nos commentaires et analyses lors des différentes crises (2000-2003, 2008-2010) notamment en 2020-2023 dans le mensuel TBM AERO (TBM avril 2020 pages 30-31, TBM mai 2021 page 7, TBM novembre 2021 pages 34-35 et TBM suivants).
Mais jusqu’à aujourd’hui, le transport aérien n’a jamais fonctionné selon la théorie du « gap » ou du marché perdu. Le trafic aérien a toujours récupéré, avec le temps, l’activité perdue durant les crises. La théorie « du marché définitivement perdu » à cause de la crise n’en continue pas moins à être utilisée.
Le trafic aérien ne croît pas de manière linéaire, il est cyclique, il croît par à-coups, par périodes successives de forte et de faible croissance, autour d’une ligne de tendance moyenne. Cette observation d’une ligne de tendance historique, représentant les besoin moyen de la population mondiale est essentielle pour toute prévision et analyse du trafic aérien.
Nous disions en avril 2020 : « À ce jour, rien n’indique qu’elle soit devenue caduque. »
En novembre 2021 nous ajoutions : « La crise actuelle va-t-elle modifier la dynamique du trafic aérien dans ses fondamentaux ? Cette hypothèse nécessiterait que la rupture soit expliquée. Notamment, quelles sont les modifications que le besoin de transport aérien a subies et qui conduisent à ce changement de dynamique. »
Commentaire ID AERO
Nous sommes satisfaits qu’Airbus semble avoir abandonné cette théorie.
Pourquoi ?
La croissance du trafic aérien représente la demande en avions.
En pleine crise, au moment du plongeon du trafic aérien, si l’on considère que le trafic aérien, avec la reprise, va rattraper dans un premier temps le niveau d’avant crise, et qu’ensuite il va retrouver la courbe de tendance, la stratégie à mettre en œuvre est double :
- S’adapter à la crise, ce que font naturellement les compagnies aériennes et l’industrie aéronautique
- Mais aussi se préparer à la reprise, dont la force sera proportionnelle à l’intensité de la crise.
Ce deuxième volet est malheureusement beaucoup moins mis en œuvre par les acteurs qui constatent alors que « la reprise est plus forte que prévu ».
Flotte en service
La flotte d’avions commerciaux (passagers + cargo) va passer de 24 260 avions à 48 230 en 20 ans (+ 23 970).
Les besoins en avions nouveaux (avions passagers+ cargo) s’élèvent à 42 430 appareils sur la période 2024-2043 :
• remplacement des retraits (18 460 ; 43,5 %)
• + accroissement de la flotte (23 970 ; 56,5 %)
Flotte début 2024 | + livraisons new | +/- conversions | - retraits | Flotte fin 2043 | |
---|---|---|---|---|---|
avions passagers | 22 040 | +41 490 | -1 530 | -17 130 | 44 870 |
avions cargo | 2 220 | +940 | +1 530 | -1 330 | 3 360 |
24 260 | +42 430 |
| -18 460 | 48 230 |
Les retraits représentent 43,5% des besoins en avions nouveaux des 20 prochaines années d’après le GMF 2024 contre 39% prévus selon les GMF 2021 et 2022.
Ces variations erratiques attestent
• des difficultés à prévoir les retraits d’avions,
• et que les retraits sont souvent considérés comme une variable d’ajustement.
GMF 2018 | GMF 2019 | GMF 2021 | GMF 2022 | GMF 2023 | GMF 2024 | |
---|---|---|---|---|---|---|
retraits | 10 855 | 14 211 | 15 250 | 15 440 | 17 170 | 18 460 |
évolution | -16% | +31% | + 7% | +1% | +11% | +7,5% |
en % des besoins | 29% | 36% | 39% | 39% | 42% | 43,5% |
Les Livraisons
La demande d’avions passagers
La demande d’avions passagers se décompose en 33 510 appareils monocouloirs et 7 980 gros porteurs.
Flotte début 2024 | + livraisons new | - retraits et - conversions | Flotte fin 2043 | |
---|---|---|---|---|
Fuselage étroit | 17 760 | +33 510 | -14 810 | 36 460 |
Fuselage large | 4 280 | +7 980 | -3 850 | 8 410 |
22 040 | +41 490 | -18 660 | 44 870 |
Sur les 24 260 avions en service fin 2023 :
- 24 % resteront en service
- 76 % seront remplacés
Airbus précise :
● Le remplacement des anciens appareils par des appareils plus récents et plus efficaces est le moyen le plus rapide de réduire la consommation de carburant par RPK.
● La proportion d'avions de dernière génération a atteint 30 % de la flotte mondiale en service. La priorité à court terme pour décarboniser le secteur est de remplacer les 70 % restants des flottes de la génération précédente.
● Tous les avions Airbus actuellement produits sont à 50 % capables de SAF. Cette proportion passera à 100 % en 2030.
● Les produits d'aviation commerciale d'Airbus génèrent des émissions inférieures d'au moins 20 % à celles de la flotte actuelle : (-20 % A320neo, -25 % A330, -25 % A350, -30 % A321XLR…).
● La décarbonation nécessite une multitude de solutions, notamment : le renouvellement des flottes avec des avions de dernière génération, l'amélioration des opérations et des infrastructures, l'utilisation de SAF, des technologies de rupture (hydrogène comme carburant, pour les piles électriques et pour produire des SAF) et des mesures basées sur le marché.
La demande d’avions cargo
La demande d’avions cargo se décompose en 970 appareils monocouloirs et 1 500 gros porteurs.
Le besoin de 2 470 appareils en avions cargo se décompose en 940 avions neufs et 1 530 conversions d’appareils passagers d’occasion.
Flotte début 2024 | + livraisons new | + conversions | - retraits | Flotte fin 2043 | |
---|---|---|---|---|---|
Fuselage étroit |
|
| +970 |
|
|
Fuselage large |
| + 940 | +560 | ||
2 200 | + 940 | +1 530 | -1 330 | 3 360 |
Livraisons par zones
Le marché chinois représente 22% des livraisons.
Le seul marché Asiatique, y compris la Chine, totalise près de la moitié du marché mondial (46%).
GMF 2024 vs GMF 2022 et 2023
GMF 2024 prévoit plus de livraisons et plus de retraits que les deux GMF précédents.
La flotte d’avions passagers en début et en fin de période du GMF 2024 est en augmentation.
Alors que la flotte de début du GMF 2024 est celle de fin 2023.
En résumé
Trafic aérien
Forte croissance du trafic aérien sur la période 2024-2027 avant de renouer globalement avec les tendances et le rythme d'avant Covid.
Livraisons
En progression sur les précédentes prévisions.
Le segment des Fuselage étroit est le marché le plus dynamique, il représente environ les 4/5 des livraisons en nombre d’appareils.
Nous soulignons quelques changements fondamentaux dans ce GMF d’Airbus :
■ Une réécriture des prévisions antérieures du GMF 2020 forecast qu’Airbus raccroche à la courbe réalisée depuis, ce que nous ne nous expliquons pas et semble un peu particulier sur le plan méthodologique,
■ Un changement de paradigme, Airbus reconnait que le marché perdu pendant la crise est récupéré après celle-ci ; ce que nous applaudissons, car c’est ce que nous constatons après chaque crise et que nous affirmons depuis plus de 20 ans.
Cependant nous constatons que cette reprise n’a pas été réellement anticipée et que la montée en cadence n’est pas au rendez-vous, même si ceci n’est pas de la seule responsabilité d’Airbus et concerne toute la chaine de production dans un contexte où, de son côté, Boeing est encore plus à la traine.